Impossible aujourd’hui d’échapper, à la lecture des plans d’entraînement, à une donnée que l’on imagine du coup incontournable dans l’élaboration de l’entraînement : le seuil. Un peu comme monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, tout un chacun fait du seuil sans vraiment savoir ce que c’est réellement. 

Des limites … de zones physiologiques.

Le seuil correspond, du point de vue physiologique, au moment où, avec l’augmentation de la vitesse de course, la concentration d’acide lactique dans les muscles s’accroît brutalement, installant ainsi un état d’acidose musculaire empêchant la contraction. Ce terme veut donc illustrer une limite, comme lorsqu’on franchit le pas d’une porte ou que l’on bascule dans un autre environnement (physiologique en l’occurrence). Dans la réalité, ce n’est pas si simple. La meilleure des définitions, à mon sens, est celle qu’Armand Tomaszewski, alors médecin des équipes de France d’athlétisme, donnait au colloque d’Andrézieux en octobre 2003 : « Une extrapolation hasardeuse d’une donnée de laboratoire ». Voyons pourquoi.

Des limites … de différences individuelles.

Tout d’abord, les scientifiques ont fixé cette limite à partir de données statistiques. La moyenne des coureurs évalués se situe à une concentration dans le sang correspondant à un taux de lactates (la lactatémie) de 4 millimoles par litre de sang (4mmol/l). Or, on a constaté que chacun a son seuil, sa propre limite d’accumulation des lactates. On va vu des athlètes avec des inflexions de leur courbe à 7mmol et d’autres à moins de 3 ! Appliquer un même chiffre à tous, c’est dans l’absolu, nier les différences entre les êtres humains. Et c’est surtout, dans le concret de l’entraînement fixer des vitesses qui ne correspondront pas au véritable seuil du coureur, si celui-ci se réfère à cette donnée moyenne pour déterminer son allure.

Des limites … de méthodes d’évaluation.

Il y a d’autres limites à cette donnée censée elle-même en être une (limite). Le problème majeur est de savoir comment mesurer ce seuil anaérobie. En effet, d’une part, il existe autant de méthodes que de laboratoires et d’approches des hommes de science. Cela est lié aux méthodes de mesures proposées par les scientifiques (voir graphique ci-dessous). Et d’autre part, les protocoles de prélèvements utilisés dans les laboratoires ne sont pas strictement identiques. Cela a donc une influence sur le résultat. Et quand bien même… Les choses se compliquent encore, lorsque l’on sait qu’un même athlète, évalué avec le même protocole, dans différents laboratoires n’obtient pas le même résultat !

Enfin, pour couronner le tout, montrez une courbe de lactatémie à dix physiologistes et vous avez toutes les chances d’avoir autant d’interprétations du moment du point d’inflexion de la courbe que de scientifiques !

Des limites … d’accès aux méthodes d’évaluation.

Et là où ça n’a plus aucun sens, c’est que de toute façon cette évaluation est inaccessible à 99% des coureurs. Cela nécessite un appareillage et des instruments de mesure qui ne sont pas disponibles à tout un chacun. Il s’agit d’une donnée physiologique, et l’entraîneur n’est pas un physiologiste et souhaitons que les physiologistes ne se substituent pas aux entraîneurs. En fait, le regard scientifique que porte le médecin n’éclaire pas forcément l’homme de terrain qui a besoin d’éléments concrets pour élaborer le contenu des séances d’entraînement. On a donc banalisé l’utilisation d’une donnée dont les fondements scientifiques reposent sur des bases difficilement exploitables dans la réalité du terrain. Alors pour simplifier cette notion afin de la rendre accessible tout de même au grand public, on l’a réduite pour qu’elle s’applique à tous.   » vitesse semi-marathon, entre le 10km et le semi, vitesse sur 1h, pourcentage de la FCM … ». Cette vulgarisation a abouti au fait que tout le monde doit courir au seuil. Tout le monde veut courir au seuil. Tant et si bien que tout le monde fait du seuil, sans même savoir ce que c’est. Mais donc, hors du seuil, n’y a-t-il point de salut ? Comment planifier un entraînement qui se veut précis pour être efficace, en fonction de repères aussi peu concrets ?

Des alternatives à la « dictature » du seuil.

L’objet de cet article n’étant ni d’ajouter à la confusion ni de participer à une querelle sémantique, nous nous appuierons sur les travaux de François Peronnet, à ppropos de l’indice d’endurance. Ils ont permis de vulgariser la notion d’Endurance Aérobie. Il a montré qu’elle s’améliore entre 80 et 90% de la VMA. Chacun ayant, dans cette zone, une allure de développement optimale de son Indice d’Endurance. Il faut se tester afin de savoir quelle est son allure cible. Ce qui indique que cette notion de seuil, fixée arbitrairement à 85% ou pire à 4mmol ne peut être validée pour être certain d’une efficacité optimale de l’entraînement. On sait, de plus, que les effets recherchés dans ce type de travail au seuil (augmentation de la vitesse de course au moment de l’inflexion de la courbe de lactatémie, c’est à dire élévation du seuil anaérobie) sont quasi immédiats d’une séance à l’autre. Bernard Pelletier, alors entraîneur d’Annette Sergent, rapporte qu’ils pratiquaient, avec le professeur Lacour, des mesures régulières de lactatémie sur la championne du monde de cross. Ils avaient alors constaté des résultats immédiats après des séances d’entraînement à partir des analyses et des tests pratiqués, par le physiologiste. Cela signifie qu’il n’y a absolument pas de nécessité de lui donner une place systématique et permanente dans les plans d’entraînement comme on peut le voir trop souvent. En clair et en résumé, dès qu’on court au seuil, on élève ce seuil. Inutile donc d’en faire du 1er janvier au 31 décembre.

Des vitesses, pas une vitesse.

Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il n’existe pas une seule et unique allure de développement de la puissance aérobie. En effet, on développe sa VMA à différentes allures, dans une zone de travail qui a des effets et améliore la consommation maximale d’oxygène. De la même manière, il n’existe pas une seule et unique allure de développement de l’endurance aérobie. Elle se développe également dans une zone de travail qui aura un effet sur l’indice d’endurance. C’est à dire la capacité à soutenir longtemps la vitesse la plus élevée durant un temps donné. C’est la notion d’endurance maximale aérobie (EMA) qui est le complément de la puissance maximale aérobie. Cela signifie concrètement que, comme la VMA se développe de manière variée de 95 à 105%, l’EMA se développe de manière également variée de 80 à 90% de la VMA. C’est le travail combiné de ces deux qualités qui permet un développement harmonieux et complet du système aérobie.

Pour en savoir plus…

Si vous voulez creuser le sujet et en savoir plus sur l’EMA, je vous renvoie aux écrits que j’ai produit à ce sujet :
👉🏻 https://www.brunoheubi.com/l-ema/
Et à la vidéo sur ma chaîne You Tube :
👉🏻 https://www.youtube.com/watch?v=xbr29ZyJFQ0

✔ Si vous avez des questions, n’hésitez-pas à les poser en commentaires.

Bruno Heubi

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