Je crois beaucoup en la pédagogie (déformation professionnelle …). Au fait de donner du sens aux entraînements. Expliquer à quoi sert telle ou telle séance. Pourquoi on la fait et comment. Donner aussi des critères d’évaluation précis afin de savoir si celle-ci s’est réalisée selon les objectifs que l’on s’est fixés.
La séance de VMA : un bon exemple
Les coureurs se posent-ils la question de son but ? Lorsqu’on les écoute commenter ou discuter de leurs entraînements c’est : « Tu les as faits en combien tes 400 ? » ou « Je les ai faits en tant mes 200 ! ». Les temps réalisés lors d’une séance de fractionné ne sont pourtant qu’un des aspects de la (bonne) réalisation d’un tel entraînement. Bien incomplet pour avoir si celui-ci est bon (ou réussi) ou pas. Il y en existe d’autres.
Quel est donc le but d’une séance de VMA ?
Il est de solliciter au maximum les processus de transport de l’oxygène. Les objectifs sont réussis quand on a mobilisé au maximum et de façon optimale ces ressources.
Comment faire alors pour savoir qu’on a mis dans le mille ?
Si les paramètres qui entrent en compte lors de l’établissement d’une séance de puissance aérobie (c’est un terme plus générique) sont nombreux, c’est bien qu’il y a différentes variables sur lesquelles on joue pour obtenir le résultat escompté.
Les voici détaillées :
– La durée des fractions d’effort
– La durée des fractions de récupération
– L’intensité des fractions d’effort
– L’intensité des fractions de récupération
– Le nombre de répétitions
L’évaluation
Pour déterminer les bonnes intensités, rien de tel qu’un test de VMA. Pour déterminer, les durées et le nombre de répétitions, rien de tel qu’une bonne méthode d’entraînement. Un critère de réalisation simple que je donne est celui-ci : si vous ressemblez peu ou prou à un poisson rouge en dehors du bocal à la fin de votre séance c’est probablement que vous ne l’avez pas trop mal réussie (tant au niveau des mouvements de la bouche que de la couleur).
Plus sérieusement pour mettre en œuvre et réussir une séance de VMA il y a quelques principes simples à appliquer. Cela commence tout d’abord par une évaluation de cette vitesse qui correspond à la VO2max (consommation maximale d’oxygène).
Au jour d’aujourd’hui, selon moi, le test le plus précis est le VamEval. C’est celui que je propose et que j’utilise lors de mes stages de course à pied.
L’intensité
A partir de ce résultat, on peut établir les vitesses d’entraînement. Dans la grande majorité des cas pour ne pas dire la quasi-totalité, cet établissement de vitesse se fait en appliquant un pourcentage de la vitesse en fonction d’une distance. Et pourtant, c’est une erreur. Il faut appliquer un pourcentage de la VMA à une durée d’effort. Faire l’inverse c’est demander à des coureurs ayant des VMA différentes d’exécuter des charges de travail qui peuvent aller du simple au double. Par exemple une séance de 20x200m (qui est un des classiques que l’on retrouve très souvent dans les plans d’entraînement) pourra durer 20×30 secondes pour un athlète de très bon niveau et 20 fois une minute pour un débutant, avec une VMA de 12 km/heure. Comment exiger une même intensité d’exercice pour quelque chose qui va durer 30 secondes et 1 minute ? Il n’est pas très difficile de comprendre qu’on ne peut pas soutenir la même intensité d’exercice durant 30 secondes et une minute. C’est aussi simple que cela. De plus, il va s’agir de demander le double d’effort d’un coureur à l’autre. C’est la double peine !
La régularité
Une fois cela compris et les allures d’entraînements établies, en procédant avec l’approche que je propose, il faut veiller à ce que le respect des temps soit effectif. C’est le paramètre de la régularité. On voit souvent des différences entre les temps les plus rapides et les plus lents de plusieurs secondes. Et quand j’ai dit plusieurs secondes cela peut aller jusqu’à 5-6 voir même jusqu’à 10 parfois. Et dans la majorité des cas en descendant au fur et à mesure de la séance. Le critère de réussite dans ce cas consiste à donner à l’athlète une fourchette précise. Bien entendu, celle-ci va varier en fonction de la durée de la fraction d’effort. Plus celle-ci est courte et moins l’écart toléré est important. Et vice-versa.
La progressivité
Un autre paramètre à respecter pour qu’une séance de VMA soit bien réalisée, c’est celui de la progressivité. Il permet une gestion optimale de l’effort. Et surtout une efficacité par rapport aux objectifs recherchés dans ce type de séance, qui est d’avoir la sollicitation cardiovasculaire, non seulement la plus élevée mais le plus longtemps possible. Je conseille donc, en fonction du temps cible, de partir, dans l’idéal, précisément à la vitesse. Mais plus concrètement, il cela peut être une à deux secondes plus lentement afin de réaliser toutes les fractions de manière progressives avec éventuellement la possibilité de finir un peu plus vite. Cela permet, si la forme du jour n’est pas au top, d’éviter de se « flinguer » et à l’inverse, si elle l’est, d’augmenter la vitesse fraction après fraction et de finir plus vite. Le critère de l’écart optimal évite des dérives qui consistent à partir trop lentement (mais cela n’arrive que très rarement) mais plutôt et surtout à finir excessivement vite ce qui indique une mauvaise gestion l’effort puisque les critères de répartition et de régularité ne sont pas respectés.
La récupération
Un autre paramètre qui rentre en compte dans la bonne réalisation d’une séance de VMA et qui est souvent pour ne pas dire systématiquement oublié mais surtout négligé dans un second c’est la récupération. Là encore, il faut savoir ou se souvenir quel est le but de l’exercice final pour comprendre que si on veut atteindre un haut niveau de sollicitation cardio-vasculaire, il va falloir entretenir celui-ci durant les phases qui entrecoupent les séquences rapides. Le but étant que le rythme cardiaque ne chute pas trop, empêchant alors une remontée des pulsations lors de la fraction suivante. Généralement on considère que l’intensité de l’effort doit être environ durant la phase de récupération de la moitié de celle de l’intensité l’effort. C’est-à-dire 50 pour cent pour un effort de 100 pour cent. Enfin pour qu’une séance de VMA soit correctement réalisée il faut un certain volume de travail, c’est-à-dire un temps d’effort suffisant pour permettre à la fréquence cardiaque de monter sur les intensités suffisamment élevées. Ce temps est très variable d’un coureur l’autre. C’est ce que l’on appelle la cinétique de la VMA.
Pour que la sollicitation soit suffisante, afin de permettre d’améliorer la VO2 max, une durée minimale de 15 à 16 minutes effort et récupération comprise est requise. Cela peut aller jusqu’à 20 à 22 minutes pour des efforts de VMA courte. Au-delà et jusqu’à 24 à 26 minutes on est dans un type de développement plus axé sur le temps de soutien et qui développe d’autres aptitudes aérobies. Lorsqu’on approche ou dépasse les 30 minutes, on est à la limite entre le développement de la puissance et de l’endurance aérobie.
En résumé :
1. Respect des allures, bien calibrées par une évaluation de la VMA précise, afin de mobiliser de manière optimale les processus de transport de l’oxygène
2. Respect des récupération actives afin d’entretenir la sollicitation cardiovasculaire
3. Nombre de répétitions suffisants afin d’obtenir la mobilisation des processus aérobies Voilà les points qui vont permettre une bonne réalisation d’une séance de développement ou d’entretien de la consommation maximale d’oxygène.
Épilogue
Et quand vous aurez l’occasion d’échanger à ce sujet avec vos collègues coureurs, ce ne seront peut-être plus les temps réalisés lors des fractions qui vont vous intéresser exclusivement mais bel et bien si tous les critères ont été respectés pour permettre d’améliorer cette qualité, ô combien importante, en course à pied. Et la question que vous allez poser à vos amis coureurs, c’est peut -être : « As-tu bien amélioré ta consommation maximale d’oxygène ? Plutôt que « Tu les as faits en combien les 400 ? » Pas sûr cependant qu’il ne vous regarde pas avec un drôle d’air ou des yeux étonnés qui diront : « Mais qu’est-ce qui dit ?!?! »
La recette de la séance de VMA de Bruno Heubi (d’autres vidéos sur l’entraînement sur sa chaîne You Tube)