Que l’on qualifie ma méthode d’entraînement de « méthode champenoise » c’est à la fois drôle et juste. J’aime le champagne, j’aime entraîner. Je suis pour un sport qui pétille et une pratique qui pleine d’effervescence. Mais bien entendu tout cela serait juste un bon mot s’il n’y avait derrière tout cela, une manière d’entraîner innovante et singulière.

Une reconnaissance qui me touche et m’honore

Lorsque, Gilles Bertrand, alors rédacteur en chef du magazine VO2, organisateur du festival des Templiers, de la course du viaduc de Millau et autre marathon des Burons (excusez du peu …) a qualifié de « méthode champenoise », mon approche et ma conception de l’entraînement, j’ai ressenti une immense fierté. Venant d’une telle plume, souvent acerbe et sans concession, cela avait une énorme valeur à mes yeux. Apporter ma contribution à son ouvrage, « le guide de l’entraînement en Ultra », co-écrit avec Christophe Rochotte que j’appréciais beaucoup, tombait donc sous le sens. Et j’en fus à la fois honoré et ravi. Mais c’est véritablement à la lecture de l’article que j’ai compris le sens profond de tout cela et de sa métaphore à double sens, pleine de sens, sur notre région viticole si connue et reconnue.

Une réflexion qui s’impose

Si j’ai effectivement été amené à réfléchir sur la problématique de l’entraînement du 100km, c’est tout d’abord de manière très égoïste. Je venais de me lancer sur la distance en 1996 et mon esprit cartésien ne pouvait se suffire de l’absence presque totale de référence à l’époque où l’empirisme régnait en maître à cette période, même à très haut niveau. Il fallait donc que je rationnalise tout cela afin de me construire mes propres plans d’entraînement.

Un diamant brut, une Ferrari

Puis, très vite, Pascal Fétizon me demanda de l’entraîner. Comme un joaillier à qui on donne un diamant brut à tailler ou un mécanicien qui doit régler une Ferrari, je me suis retrouvé soudainement avec l’obligation de réfléchir encore plus vite et encore mieux. J’ai donc mis les bouchées doubles, c’était passionnant et excitant. Je n’avais pas conscience d’être en train de formaliser une méthode. Il s’agissait de répondre simplement à cette problématique qui doit guider tout entraîneur qui se respecte : « Quoi faire pour obtenir le maximum de l’athlète ? », « Qu’est-ce qui va me permettre d’atteindre la quintessence de son potentiel physique ? », « Comment m’y prendre pour tirer la substantifique moelle d’une matière aussi profuse que le corps humain ? ».
Mais quand on a l’opportunité d’avoir des retours d’information d’une si grande qualité venant d’un athlète d’un tel haut niveau, être à la hauteur est à la fois une obligation et un devoir. Le titre de champion de France, obtenu d’emblée, à la première tentative, pouvait effectivement m’indiquer que j’étais dans la bonne direction. Non seulement, il remporta la course face à Thierry Guichard, vice-champion du monde de la discipline, mais ce fut dans un temps de niveau mondial (6h29). Il avait frappé très fort d’entrée ! Le niveau mondial fut d’ailleurs atteint, dans la foulée (si j’ose dire !) avec ce titre de champion du monde obtenu en 2000. La consécration suprême … Dans le même temps, j’avais moi-même, à mon humble niveau, obtenu des résultats fort convenables et probants au regard de mon niveau sur les plus courtes distances.

Le discours de la méthode

La méthode champenoise était née. En effet, étant tous les deux Marnais, cette réussite pouvait donc être qualifiée de la sorte même si la comparaison avec la fabrication du divin breuvage de notre région est très flatteuse à mon goût. Je remercie son auteur de ce nouveau bon jeu de mots dont il a le secret. Je continue toujours, 25 ans après, à réfléchir sur la problématique de l’entraînement et bien entendu sur celui du 100km qui est un peu devenu ma marque de fabrique, avec ces enchaînements d’évènements. Cette méthode est le fruit de cette analyse et de cette réflexion issue à la fois de connaissance théorique mais aussi de 51 ans (à ce jour) d’expérience de terrain.

L’articulation de l’entraînement autour de ces 3 facteurs de la performance que sont :
– la puissance aérobie,
– l’endurance aérobie,
– le coût énergétique de la foulée
Ces 3 facteurs correspondent aux 3 séances clés de mes plans d’entraînement :
– la vitesse maximale aérobie (VMA)
– l’endurance maximale aérobie (EMA)
– la vitesse spécifique (VS)

Une méthode qui vient du terrain

Ma victoire au 100km de Millau m’a fait aimer et apprécier cette course mythique et fascinante. La conceptualisation de la sortie longue spécifique, avec les allures boucle 1 et boucle 2, celle de la séance de côtes/descentes est le résultat à la fois de cette recherche permanente mais aussi des nombreux retours de ces coureurs de tous niveaux qui s’adressent à moi et me confient leur préparation. Je me dois de les écouter et de leur proposer des contenus d’entraînement qui reposent sur la même problématique qui a été celle évoquée plus haut lorsqu’il s’est agi d’entraîner Pascal Fétizon : Permettre à chacun d’être champion du monde de soi-même. Mettre au service de tous, mes compétences, mon expérience et mes connaissances est donc mon crédo du quotidien. La satisfaction que j’en retire grâce aux résultats obtenus et les gratifications des retours et des témoignages que je reçois est une source de motivation extraordinaire et un moteur de chaque jour. Moi qui n’arrête pas de dire qu’il faut donner du sens aux choses, elles en ont pour moi dans cette façon de partager et de transmettre autour de cette passion qui nous unit tous.

Rester humble : une nécessité

Après plus de 25 années d’utilisation, adaptation, transformation, validation, évolution de la méthode champenoise, j’espère que les coureurs qui me font confiance accèdent à l’effervescence et pétillent durant leurs séances d’entraînement.
Néanmoins je sais que je ne sais rien. Que la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Qu’il faut donc rester humble. Continuer à être curieux, à vouloir apprendre. A se dire que chaque sportive/sportif est unique et que la réussite d’un programme passe par la prise en considération des spécificités de chacune et de chacun.

Bruno Heubi

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