Récup or not récup ? That is the question … Ou : Faut-il prévoir des séquences de récupération, entre les séries, lors des séances de VMA ?
Les séances de fractionné avec des séries, c’est-à-dire des moments de récupération plus longs au bout d’un certain nombre de fractions sont de coutume dans la quasi-totalité des plans d’entraînement. Mais cela est-il pertinent au regard des objectifs d’un telle séance ? En d’autres termes, faut-il prévoir des séquences de récupération, entre les séries, lors des séances de VMA ?
That is the question
Cette question agite le lanterneau de la course à pied depuis que certains se permettent de briser la règle qui impose des récupérations entre les séries. Si l’on interroge les pratiquants (coureurs, entraîneurs) sur les raisons de cette « coutume », la plupart des ne sont pas capables de répondre à cette question. Je formule donc cette hypothèse : le mimétisme. Puisque c’est écrit dans les revues spécialisées, on le voit partout sur les plans des sites internet dédiés à la course à pied, alors par reproduction, on se dit et on pense que si c’est écrit, c’est que ça doit être bien. C’est un peu comme le seuil ou le semi-marathon 3 semaines avant le marathon. Ce sont des institutions pour lesquelles on ne se pose pas la question de la pertinence. C’est inscrit dans le marbre des habitudes et on n’y déroge pas. Il arrive même parfois, qu’à la lecture des plans d’entraînement, ne contenant pas de récupérations en les séries, la question qui vient immédiatement est : « Est-ce qu’il y a des récupérations ou est-ce que je dois faire les 20 répétitions à la suite ? « . Sur le plan il est pourtant bien noté 20 répétitions à la suite mais cette notion de récupération entre les séries est tellement ancrée dans le subconscient du coureur que même lorsqu’il voit 20 répétitions, il trouve ça surprenant et se demande s’il n’y a pas une erreur.
Ça sert à quoi ?
Celle de question essentielle et fondamentale qu’il faut se poser et que souvent on oublie de se poser concerne l’objectif de l’entraînement : » A quoi servent les séances de VMA ? Quel objectif est-ce que l’on vise lorsqu’on réalise une séance de VMA ? ». Parce que si tout le monde (ou presque) s’accorde sur l’utilité de ces séances de « fractionné », peu de gens savent véritablement ce que l’on vise à travers ce type d’exercice. Alors … Que vise-t-on justement ? Hé bien on cherche à développer la consommation maximale d’oxygène. Pour être plus précis, on veut améliorer la capacité de transport de la précieuse molécule captée dans l’air par la respiration vers les muscles, où elle va participer à la production d’énergie pour la contraction musculaire. Et pour développer ce système « aérobie » (en présence d’oxygène), il faut, comme tous les systèmes, le solliciter au maximum.
Ok, voilà un premier point me direz-vous ? « Mais comment fait-on avec ces récupérations ?!?! » Allez-vous renchérir un brin agacé par cette réponse qui ne vient point ? Et bien restez calme car elle ne va pas venir encore tout de suite. D’autres points sont à expliquer avant.
Chacun sa cylindrée
On constate chaque jour sur les courses et les terrains d’entraînement que de grosses disparités entre les coureurs existent. Il y a des 2CVs et des Ferraris. Des formules 1, des voitures de rallyes et des 4×4… Ce qui explique ces différences, c’est bien entendu l’entraînement mais d’abord les qualités naturelles, en un mot : la génétique. Si la fée VMA s’est penchée sur votre berceau à votre naissance (merci Papa, Maman !) vous allez partir avec un potentiel supérieur aux autres. C’est injuste mais c’est comme ça. Et si vous avez été un enfant et un ado actif, vous avez encore optimisé votre potentiel.
Et là je vous vois vous irriter à nouveau. « Bon ok, il y a des différences entre les individus. C’est pô juste. Mais les récups ?!?! ». J’y arrive. Encore une précision cependant.
Une vulgarisation mimétique
Le concept de VMA s’est vulgarisé dans les années 80. Le seuil a pris la suite. Les revues spécialisées en ont fait leurs choux gras. Le 30/30 fut érigé en séance incontournable de par ses aspects pratiques et efficaces. Comme la prose de monsieur Jourdain, tout le monde fait du seuil sans le savoir ou plutôt sans vraiment savoir ce que c’est, ni surtout connaître le sien. Tout le monde s’est donc mis aussi à faire du 30/30 sans savoir comment et pourquoi. Et les séances qui se sont vulgarisées sont celles avec des récupérations entre les séries. Pourquoi ? Aucune idée. Il faudrait remonter à la source.
Et tout d’abord la définition du terme central de cette discussion : la VMA. En effet, la VMA c’est quoi ? La VMA (Vitesse Maximale Aérobie) correspond à la vitesse à laquelle vous atteignez votre consommation maximale d’oxygène. Elle est l’expression en vitesse de course de votre puissance aérobie. La fameuse VO2 max. A cette vitesse on sollicite donc au maximum les processus de transports de l’oxygène. De la respiration de l’air jusqu’à l’acheminement de l’oxygène jusqu’à la cellule.
Inertie lente ou rapide ?
Mes expériences d’entraîneur (depuis 1992) m’ont amené à avoir la charge d’athlète de (très) haut niveau. Et là quand vous avez une Ferrari, il faut être pointu dans les réglages. Je me suis donc aperçu, en analysant les courbes de fréquences cardiaques des séances d’entraînement, que la pratique des séances de VMA avec des récupérations longues entres les séries faisait chuter considérablement la consommation maximale d’oxygène. Et que donc, à la reprise de l’exercice, après cette pause, il fallait un certain temps pour retrouver une sollicitation identique (comme le fût du canon de Fernand Raynaud, sauf que c’est plutôt l’inertie de la VMA en fonction des individus qui fait varier ce temps). En clair celui qui, en plus de prendre des récupérations entre les séries, a une inertie à VMA importante (c’est à dire qu’il met du temps à solliciter à nouveau le système aérobie au maximum) perd une bonne partie de l’efficacité de sa séance en se situant dans des zones de fréquences cardiaques peu élevées.
Vous avez donc (enfin !) la réponse à la question initiale.
C’est dans la tête
Mais tout ceci est aussi très « psychologique ». Les premières réactions sont souvent : » Ça va être dur ! » , » Ça va piquer ! ». Mais je peux vous assurer que les coureurs que j’entraîne de cette façon depuis leurs débuts ne se posent même pas la question d’avoir ou pas des phases de récupération entre les séries et que les autres perdent vite l’habitude. La clé du problème (mais c’est un autre problème que je ne traiterais pas ici) c’est la bonne évaluation de la VMA et surtout le bon établissement des allures en fonction de chacun(e). D’elles dépendent la construction d’une séance bien calibrée en fonction des possibilités du coureur et garantissent une bonne efficacité. Tant qu’à faire des entraînements difficiles autant mettre dans le mille et que ça soit utile.
Mais ça, c’est une autre discussion … ????